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Eblouissantes par la richesse de leur matière, troublantes par le mystère de leurs origines, passionnantes par lintérêt de leurs motifs, les monnaies offrent un magnifique panorama de lHistoire. Elles nous permettent de revivre la grande Epopée de lhumanité, grâce à leur témoignage dont lauthenticité ne saurait être mis en cause.
Dans ce catalogue, se trouvent réunis près de quatre vingt documents monétaires en or, en électrum, en argent et en bronze provenant des monnayages de lantiquité - de la Grèce, de Rome, de la Gaule et du royaume des Francs. Le collectionneur sest attaché à rassembler des spécimens dune incroyable beauté.
La dispersion débute par lépoque gauloise marquée par un statère dor des Parisii de la classe V inspirée des monnaies de la Grèce antique.
Le monnayage grec occupe une place privilégiée en raison de son double intérêt sur les plans historique et artistique. On peut classer les monnaies grecques en trois périodes : la période archaïque ou de formation qui sétend de 700 avant J.-C. jusquaux guerres médiques en 480 avant J.-C. ; la période defflorescence, de 480 à la mort dAlexandre en 323 et lépoque hellénistique qui couvre les trois derniers siècles avant notre ère.
La coutume veut que le classement du numéraire grec se fasse géographiquement : la Grande Grèce avec lItalie et la Sicile à laquelle on rattache Carthage ; la Grèce proprement dite divisée en régions, la Macédoine, la Thrace, Athènes et sa région, le Péloponnèse puis les Cyclades ; lAsie Mineure et enfin lAfrique.
En occident, les grecs inventèrent la monnaie dès le VIe siècle avant notre ère. Les grandes civilisations qui avaient existé jusqualors, bien quelles aient eu une activité commerciale développée, navaient pas connu de systèmes monétaires.
Allyate (610-561), roi de Lydie, en Asie Mineure, fit frapper une tête de lion sur des pépites délectrum, un alliage naturel dor et dargent. Crésus (561-546) fut le premier des Mermnades à utiliser létalon dor pur en émettant les créséides ornées du couple oriental, cest-à-dire du lion et du taureau affrontés. Leur gravure dune élégante simplicité descend en droite ligne des peintures néolithiques telles quon peut les voir à Lascaux.
Parmi les monnaies les plus archaïques de cet ensemble on notera le monnayage de Cyzique représenté par de superbes statères et hectés en électrum, métal fourni par les régions du Caucase et de lOural. A titre dexemple, un statère de Cyzique constituait la solde mensuelle dun hoplite grec. Son poids denviron 16 g représentait léquivalent dune darique dor pur.
Après avoir subi la domination des rois de Lydie, Cyzique fut sujette des rois de Perse, jusquà la défaite de Xerxès. En 478, elle passa sous lhégémonie athénienne et, à partir de cette époque, devenue station navale des athéniens la plus importante, elle redouble dactivité dans lémission de belles séries de monnaies délectrum, dont les plus anciennes remontent au commencement du VIe siècle. On sait que Cyzique emprunta un peu partout aux autres villes grecques leurs types monétaires pour se les approprier - non toutefois sans ajouter un petit thon en exergue symbolisant son activité intense de centre de pêche. Le revers en forme de carré creux, dont les compartiments à surface granuleuse disposés en ailes de moulin permettait de refouler la matière dans la gravure du coin de lavers encastré dans lenclume.
Situées en Ionie et en éolide, les Îes de Phocée et de Lesbos et Mytilène émettent dès le début du Ve siècle des petites pièces délectrum appelées hectés. Ces minuscules monnaies de types variés étaient si petites que, dit-on, les gens les mettaient dans la bouche pour ne pas les perdre. Un buf est représenté sur le revers de lune dentre elles. Lexpression avoir un buf sur la langue vient de là.
Les seules villes de la Grande Grèce qui aient frappé des monnaies dans la période primitive cest-à-dire antérieurement à 480 avant J.-C. sont Tarente, Métaponte, Sybaris, Crotone, Caulonia, Posidonia, et quelques autres cités.
Ce monnayage, dont le point commun est le revers orné du motif en creux représenté à lavers, débute à lépoque de la venue de Pythagore en Italie vers 550 et se compose de statères dargent de flan large et de poids similaires. Loriginalité de ce procédé neut quune existence éphémère et ne fut imité nulle part ailleurs.
Sil exista, dans lantiquité, une région bénie des dieux où lart du monnayage atteignit la perfection, ce fut bien la Sicile avec sa capitale artistique, Syracuse.
Les premières émissions monétaires font leur apparition à la fin du VIe siècle avant notre ère et la plupart étaient en argent. Peut-être les Syracusains disposaient-ils dune très grande quantité de ce métal? Les plus anciennes monnaies de Syracuse inaugurent un type qui devait se perpétuer pendant près de trois siècles par dingénieuses variétés de la tête dAréthuse, nymphe chasseresse de lElide métamorphosée en fontaine.
Lart monétaire ne prit son plein essor quà lépoque classique grâce au talent et à lhabileté des graveurs Kimon et Evainète, qui exécutèrent les coins des décadrachmes. De toutes les monnaies de lantiquité, ce sont ces fameux décadrachmes qui ont provoqué ladmiration la plus universelle, tant autrefois que de nos jours. Ces pièces pesantes dont il ne subsiste que peu dexemplaires, étaient vraisemblablement décernées aux vainqueurs des jeux athlétiques dits de lAssinaros, organisés pour célébrer la victoire remportée sur les Athéniens en 413. Au revers de ces monnaies, sont évoquées les armes prises par les Syracusains lors des combats.
A leur suite prend place le numéraire siculo-punique émis entre la défaite et la mort dAnnibal, célèbre général carthaginois 183. Ces superbes monnaies au profil de Perséphone inspiré des décadrachmes dEvainète sortent du principal atelier monétaire carthaginois : le port de Lilybaion, lactuelle Marsala.
Parmi les monnaies émises par les villes macédoniennes, on remarquera la belle composition dun tétradrachme dAcanthe.
Colonie grecque du continent chalcidien, Acanthe avait un type presque constant du groupe du lion dévorant un taureau - ce qui ne surprendra pas si lon se rappelle Hérodote racontant que les lions et les bufs sauvages étaient abondants dans cette région.
Cette monnaie nous fait connaître, avec un réalisme saisissant, les luttes quotidiennes entre lions et taureaux : la souplesse, la vigueur et la puissante musculature de ces animaux sont traduites avec une grande virtuosité. En effet, laffrontement sinscrit parfaitement dans le champ de la monnaie dune manière harmonieuse tout en conservant proportion et équilibre.
A Pnytagoras, roi de Salamine (351-332), adversaire heureux dEvagoras II (roi de Sidon 349-346), nous devons un remarquable et rare statère dor représentant la déesse chypriote Aphrodite dont les richissimes coiffures rappellent certains types originaux des statues et des terres cuites de lÎle de Chypre.
Les lourdes monnaies dor de la période ptolémaïque qui clôturent la série grecque de cette collection forment une sorte de somptueuse parure de rois grecs dEgypte.
Cest Ptolémée Ier Soter le Sauveur qui fonde la dynastie grecque des Lagides. En 306, il prend le titre de roi. Avant de mourir, il associe à la couronne son fils Ptolémée II Philadelphe quil avait eu de sa quatrième épouse Bérénice Ière. Ptolémée II épouse Arsinoé II, sa sur, quil fit diviniser à sa mort en 270. Ces quatre personnages sont représentés sur un seul et même octodrachme dor. Le bouclier qui figure derrière les têtes de Ptolémée et Arsinoé est gaulois et rappelle lembauchage des mercenaires galates après linvasion celtique en Grèce en 280 et leur extermination en 277.
On remarquera également le splendide portrait de la reine Bérénice II épouse de Ptolémée IV Philopator dont lattitude altière évoque la situation quelle occupait dans les affaires intérieures et extérieures de ce pays. On dit que les monnaies de la reine Bérénice auraient été frappées lors de la campagne de Ptolémée Evergète en Asie, avec le butin remporté par Chrémonidès sur le satrape Aribazos - Bérénice était alors régente. On dit encore quelles auraient été émises dans les villes côtières dAsie Mineure selon létalon Séleucides par Bérénice Syra, après la mort de Ptolémée Evergète en 248.
Devenu sous lempire romain un instrument de propagande et dinformation, la monnaie présentait généralement le portrait de lempereur, traité dans un style réaliste, et parfois celui de certains membres de sa famille.
Une riche iconographie nous révèle, avec une grande fidélité, les traits de plusieurs empereurs qui permettent de suivre en quelques exemplaires les fastes et la décadence de cette civilisation.
Parmi ce beau monnayage, deux médaillons de bronze se détachent en raison de leur grande rareté, leur haute qualité et leur intérêt sur le plan historique. Lun est de Probus (276-282) et lautre de Galère Maximien (305-311).
En ces temps, la valeur de la monnaie ne cesse de saltérer pour une loi qui semble inéluctable. Sous Valérien et sous Gallien la banqueroute est un fait accompli et les particuliers sont ruinés. Ils nont entre les mains que du billon dont la valeur est purement fictive. On appelle médaillon un exemplaire dont les dimensions dépassent celles de la monnaie ordinaire. Ces médaillons aux Trois Monnaies dont le revers représente les trois métaux personnifiés (lor, largent, le bronze) ont été émis au moment des grandes réformes monétaires pour attester du maintien des règlements sur le poids, lalliage du numéraire et la quantité même des émissions mais surtout pour rassurer la population.
La dernière monnaie de cette vacation mérite une place à part. Il sagit dune monnaie franque en or frappée du temps de Clovis avant sa conversion au christianisme qui suivit sa victoire sur les Alamans en 496 et son couronnement en tant que roi des Francs le jour de Noël 497.
Cest avec Clovis (481-511), le véritable fondateur de la monarchie, quapparaissent les signes particuliers qui révèlent une fabrication propre aux barbares.
Cette monnaie est la réplique dun sou dor de lempereur Anastase puisque Clovis navait pas voulu réformer le monnayage byzantin auquel son peuple était habitué. Il considérait le droit régalien comme une institution impériale. Il semblerait que les deux lettres C situées en début et en fin de légende soient la marque distinctive de la monnaie chlodovéenne. Ces marques auraient été conservées par les trois fils de Clovis : Clodomir, Childebert Ier et Clothaire Ier, aux noms desquels ils pouvaient également convenir.
Parvenues jusquà nous dans leur éternelle fraîcheur, les monnaies ne sont jamais muettes et comme le dit La Bruyère, elles sont les preuves parlantes de certains faits, de monuments fixes et indubitables de lancienne histoire.
Au delà des interrogations de notre époque, les monnaies nous font découvrir les énigmes du passé.
Françoise BERTHELOT-Vinchon
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