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LE TRÉSOR DE MONTRICHARD
Il est des lieux chargés dHistoire qui tardent à livrer
tous leurs secrets. Nichée au pied de léglise Saint
Croix en plein centre de la cité médiévale de MONTRICHARD,
une maison à colombages qui figure parmi les plus anciennes a su
résister aux réaménagements urbains et se dresse
toujours fièrement depuis le XVème siècle. Joyaux
architectural classé monument historique, Anne de Bretagne y aurait
séjourné en mai 1506, avant dassister aux fiançailles
de sa fille Claude de France avec François dAngoulême
(futur François Ier). Curieusement on remarquera que la plus ancienne
monnaie de cet ensemble est un écu dor au Soleil de François
Ier. A Montrichard, la rumeur courait quun trésor y avait
été enfoui il y a fort longtemps.
Dailleurs, une des anciennes propriétaires de cette demeure
aurait tenté de le dénicher avecquelques appareils sophistiqués,
mais en vain.
Rebelle, la bâtisse nétait pas décidée
à livrer son secret mais des travaux de restauration furent entrepris
en 2007 et par un bel après-midi de Printemps le coup de pioche
heureux dun jeune maçon mettra définitivement fin
au mystère
Le jeune homme devait réaliser une tranchée pour monter
un mur; la lecture inversée du plan élaboré par larchitecte
lui a fait creuser cette tranchée à une trentaine de centimètres
de lendroit où elle était prévue. Sans cette
erreur, le trésor serait resté enfoui à jamais
Grande fut la surprise du jeune homme lorsquil mit au jour une poterie
en grès contenant un trésor monétaire composé
de près de 600 monnaies dor et dargent frappées
sous les règnes deLouis XIII, de Louis XIV et de leurs contemporains
espagnols.
Situé dans un coin dune pièce, le trésor était
dissimulé par une plaque en ardoise probablement de manière
a être accessible à tout moment afin de prélever des
liquidités au fur et à mesure des besoins du propriétaire
de lépoque ou daugmenter le magot. En effet, il était
interdit de posséder de fortes sommes « dargent »
sous peine de confiscation. Cest la raison pour laquelle les trésors
sont souvent dissimulés dans les maisons sous les dallages, dans
des cavités creusées dans les murs, derrière les
plaques de cheminées ou encore dans des poutres évidées.
Il faut savoir que 1661 millésime le plus récent enregistré
pour le trésor et date présumée de lenfouissement,
correspond à un tournant sous le règne de Louis XIV. En
effet, en 1661, année de la mort de Mazarin, le roi prit la décision
de ne plus avoir de Premier Ministre. Cette « prise du pouvoir »
fut suivie dune autre décision importante, celle décarter
le surintendant des finances, Nicolas Fouquet, qui fut arrêté
le 5 septembre 1661 à Nantes où se trouvait la Cour. Rappelons
que Fouquet et le Cardinal Mazarin avaient oeuvré pour achever
la guerre et rétablir la paix en amassant tous deux dans cette
entreprise une fortune personnelle considérable. Lorsquau
cours de lété 1661 Fouquet reçut le roi avec
faste au château de Vaux le Vicomte, le monarque fut impressionné
par de telles splendeurs. Le roi ayant des soupçons sur lintégrité
de son surintendant, le condamna à mort. Ses juges se contentèrent
du bannissement hors du royaume. De peur de subir le même sort,
les gens fortunés avaient tendance à cacher leurs biens.
Comme la loi lexige, le trésor a été immédiatement
déclaré aux autorités : la Mairie de Montrichard,
la DRAC Direction régionale des affaires culturelles, le Service
Régional de larchéologie puis remis à la gendarmerie.
Une étude scientifique et historique a été réalisée
sous la direction de Michel Amandry, directeur du Cabinet des Monnaies
et Médailles de la Bibliothèque Nationale de France et de
Thierry Sarmant, directeur adjoint. Celle-ci sera publiée ultérieurement
dans les cahiers intitulés « Trésors Monétaires
» édités par la BNF.
Le trésor ayant été partagé à parts
égales entre linventeur et le propriétaire des lieux
de la découverte, une des deux parties figure dans cette vente
organisée par Maître Philippe Rouillac, commissaire priseur
à Vendôme.
La partie du Trésor de Montrichard dispersée aujourdhui
est composée de cent quatre monnaies doret cent quatre vingt
une monnaies dargent soit deux cent quatre vingt cinq monnaies.
Parmi les monnaies dor, la plus ancienne est un écu au Soleil
de François Ier, suivront un écu de Louis XIII (faux dépoque)
et trente cinq monnaies de ce même monarque (double-louis, louis
et demi-louis) et enfin cinquante deux monnaies de Louis XIV (double-louis,
louis et demilouis) dont la plus récente date de 1661.
Les deux dernières monnaies royales en or figurant dans ce trésor
sont des louis au buste juvénile de Louis XIV mais aucun écu
dargent de ce type ny figure. On remarquera également
que ce trésor ne contient ni demi-écus ni autres divisionnaires
qui circulaient abondamment à lépoque. Peut-être
font-ils lobjet dune autre dissimulation à découvrir
! Parmi les monnaies dargent on dénombre 8 écus de
Louis XIII des 1er et 2e poinçons de Jean Warin.et 172 écus
de Louis XIV. Les écus dargent à leffigie de
Louis XIV sont soit du type à la mèche courte soit du type
à la mèche longue dont deux pour la Navarre et trois exemplaires
pour le Béarn. Nous ferons une place à part au très
rare et très bel exemplaire de lécu de Gaston dOrléans,
prince de Dombes (n°270) et frère de Louis XIII.
On notera quinze monnaies dor contemporaines aux noms de Philippe
II, III ou IV dEspagne qui étaient les seules monnaies étrangères
autorisées à être utilisées en France pour
le commerce. On les appelle des macuquiñas. (voir notice page 50)
Les ateliers démission répartis sur tout le royaume
sont les suivants : 123 exemplaires ont été frappés
à Paris (A) et parmi les ateliers régionaux on dénombre
: Rouen (B) 21 ex., Bordeaux (K) 17 ex., 12 ex. à Bayonne (L) ainsi
quà Rennes ( ), à Nantes (T) 11 ex. et 10ex. à
La Rochelle (H), pour Lyon (D) et Angers (F) 8 ex., pour Aix en Provence
(&) 7 ex., à Toulouse (M) et à Montpellier (N) 6 ex.,
Troyes (S) 5 ex., Amiens (X) et Poitiers (G) 4 ex., seulement 2 ex. pour
les ateliers de Limoges (I) , Saint Palais et Morlaàs et un seul
exemplaire pour les ateliers de Saint Pourçain, Saint Lô
(C), Tours (E), Arras (rat), Dijon (P), Riom (O) et Pau. On mettra une
place à part pour latelier de Trévoux qui a émis
lécu de Gaston dOrléans ainsi que latelier
de Séville (S) pour les quadruples, et doubles escudos. Lindex
ci-contre vous indiquera sous quels numéros vous pourrez retrouver
ces émissions.
La plupart des monnaies dispersées aujourdhui sont dans un
état remarquable, dautres laissent apparaître des traces
de corrosion, dautres encore des stries dajustage. Certaines
ont fait lobjet dun nettoyage minutieux qui na pas altéré
la qualité des monnaies.
Venez nombreux au Château de Cheverny pour acquérir une,
voire plusieurs monnaies provenant de ce fabuleux et inattendu trésor.
Alors en cette belle journée de juin :
«Mille millions de mille sabords »
« Tous à Moulinsart ! Je dirais même plus : Tous à
Moulinsart ! ».
Françoise BERTHELOT-Vinchon
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