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Thierry SARMANT
Conservateur au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque Nationale de France

Le trésor découvert à Champmillon (Charente) appartient à une famille de trésors qu'on peut appeler " trésors de la Ligue ", dont les caractéristiques ont été mises en évidence par Mme Françoise Dumas en 1961. Il s'agit de dépôts monétaires effectués pendant les guerres de Religion, durant les mouvements de troupes françaises des différents partis. La monnaie la plus récente du trésor est datée de 1568, ce qui donne un terminus a quo plausible pour dater son enfouissement.
En Angoumois, comme en Poitou, en Saintonge et en Aunis, les églises calvinistes avaient connu un vif essor. La guerre civile commença dans ces provinces dès 1562, s'apaisa entre 1563 et 1567-1568, puis reprit de plus belle à partir du 28 septembre 1568, date à laquelle Catherine de Médicis décida l'interdiction du culte réformé. Les protestants de Coligny, maîtres de La Rochelle, prirent l'initiative des opérations et affrontèrent l'armée des ducs de Montpensier et d'Anjou à travers l'Angoumois et l'Anjou pendant l'année 1569. Les troupes stationnaient dans les villes, des bandes armées tenaient la campagne, et chaque parti vivait à la charge des populations. Le premier engagement important fut le combat de Jarnac, le 13 mars, où périt le prince de Condé ; le dernier fut la bataille de Moncontour, le 3 octobre, où Coligny fut battu par les troupes royales, qui reprirent possession de toute la région, les protestants ne conservant que La Rochelle et Tonnay-Charente. Le calme allait être rétabli, provisoirement, par la paix de Saint-Germain-en-Laye (8 août 1570). Selon toute probabilité, le trésor de Champmillon a été enfoui durant cette campagne de 1569.
Sur les 321 monnaies d'argent qui composent ce trésor, 238 sont des monnaies françaises (royales à une exception), frappées depuis le règne de Louis XI jusqu'à celui de Henri II. Les ateliers monétaires du grand ouest (Limoges, Poitiers, La Rochelle, Rennes, Caen, Saint-Lô, etc.) prédominent. Le reste est composé de monnaies espagnoles émises au nom de Ferdinand et Isabelle puis de Charles Quint.
La composition de ce trésor témoigne des relations économiques étroites entre l'ouest de la France et l'Espagne au XVIe siècle. Le blé français était exporté en Espagne par l'Atlantique et payé en argent provenant des mines d'Amérique.
Plus vieux de vingt-cinq ans que les deux trésors bretons étudiés par Françoise Dumas (1592 et 1595), le trésor de Champmillon ne doit donc rien au passage en Saintonge de troupes espagnoles mais illustre les grands courants commerciaux de la Renaissance.

Bibliographie

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